« Le hasard fait bien les choses. » { Evanna

Pourquoi diable avait-elle décidé de faire le tour ? Hein ? Elle se rendait compte à présent à quel point c’était stupide. Elle était seule, dans l’épaisseur de la nuit noire, emmitouflée dans son manteau, le nez caché dans son écharpe. Elle savait ce qui se passait en ce moment à Litovsk et rien que ça aurait du la contraindre à rester chez elle, passé 21 heures. Mais voilà, elle avait décidé de sortir pour acheter à dîner, et se promenait à présent dans les rues sombres. Elle mangeait une bouchée de son sandwich lorsqu’elle entendit des pas derrière elle – des pas bruyants, hâtifs. Elle se retourna, et tomba nez à nez avec un jeune homme. Il avait l’air bourré – ce n’était pas un vampire. Il la regarda d’un air amusé pendant quelques secondes, avant de tendre la main vers elle, soudain très empressant. Elle se recula de plusieurs mètres et se retourna pour accélérer sa marche, balançant son sandwich sur le bord d’un trottoir.

« Ben… Attends-moi ! Tu veux pas t’amuser un peu ? »
« Fichez-moi la paix ! »

Elle accéléra de nouveau, mais les pas de l’homme étaient déjà proches d’elle, elle pouvait presque sentir son souffle alcoolisé dans son oreille. Elle ne s’arrêta pas, mais la voix se fit de plus en plus insistante. Elle regrettait d’être sortie – dans une ville infestée de vampires, n’était-ce pas idiot que la menace vienne d’un simple ivrogne ?
Tout à coup, Evana sentit une main ferme se refermer sur son bras, et l’homme la força à se retourner.

« Allez, fais pas ta prude ! »
« Allez-vous en ! »

Elle essaya d’adopter un ton autoritaire, mais il ne lâcha pas prise, le regard vitreux, amusé. Il avait l’air de bien s’amuser – elle n’en doutait pas une seconde. Il ricana avant de s’approcher un peu plus, la plaquant contre un des murs de la petite impasse.
Mais avant qu’il n’ait pu faire quoi que ce soit, Evana sentit sa main se détacher d’un coup sec, et l’homme voltigea à l’autre bout de la rue, visiblement sonné. Il gémit un peu en s’écrasant sur le sol, et attrapa sa jambe, l’air paniqué. Tout avait été beaucoup trop vite pour ses yeux d’humaine, mais Evana aperçut rapidement James, droit devant elle, l’air profondément en colère. Elle la fixa un instant, et elle hocha la tête doucement, signifiant qu’elle allait bien. Elle vérifia qu’elle ne saignait pas – l’odeur de son sang était, parait-il, assez alléchante, et attendit que James la rejoigne. Mais au lieu de ça, le vampire tourna les talons et se dirigea droit sur l’homme.

« S’il te plait… Ne le tue pas… »
« Trop tard. »

Dans un bruit fort, et un cri de douleur à vous arracher les tympans, l’humain, étalé sur le sol dans son propre sang, venait de rendre l’âme, les crocs acérés du vampire dans la gorge. Eva posa ses mains sur ses yeux, sentant le rythme de son cœur s’accélérer, et la tête lui tourner. Une forte odeur de sang lui arrivait directement dans le nez, et la terre sur ses mains lui brouillait la vue.
James se redressa lentement quand il en eut terminé avec son déjeuner, et se redressa, recouvrant ses canines et s’essuyant la bouche avant de n’aviser Eva.
Il lui tendit sa main, que la jeune femme ne put que prendre. Il la hissa sur ses pieds, et se dirigea à pas rapide vers l’immeuble le plus proche.

« Il ne t’a pas blessée ? »
« Non. »
« Il ne le fera pas, en tout cas. »

Eva hocha calmement la tête, marchant droit pour ne pas se laisser envahir par les émotions.
« Désolé que tu aies vu ça. »

Elle hocha de nouveau la tête, se battant pour chasser les images horribles qu’elle avait dans la tête. Le vampire s’arrêta, et se tourna vers elle, attrapant ses hanches, la secouant doucement.

« Je ne te toucherai jamais ainsi, tu m’entends ? Personne ne le fera jamais. »

Evana se détacha de l’emprise de James, et se réfugia dans ses bras. Elle tremblait légèrement, et le temps qu’elle se calme, ferma les yeux. Elle avait froid, et la température du vampire n’arrangeait pas les choses, mais il n’y avait que là qu’elle se sentait en sécurité, en ce moment. Au bout de quelques minutes, elle s’écarta légèrement, ravalant ses larmes.

« Désolée… J’ai eu peur. »

Elle haussa légèrement les épaules, contrite.

« Merci… ».

Elle posa sa main sur sa joue, pleine de reconnaissance.

La peur quitta le corps tremblant d'Evana rapidemment, comme une vague qui retournerait dans l'océan, aussi vite qu'elle était venue. Elle se sentit rassurée presque immédiatement quand James, la voix radoucie et sa colère atténuée, recommença à lui parler normalement.
Evana n'avait jamais ignoré la facheuse vérité : être amoureuse d'un vampire impliquait aussi une belle forme de sacrifice. James buvait du sang humain, et elle était humaine. Si un lien n'avait pas existé entre eux, il aurait pu décidé de la tuer sans demander son avis, mais aujourd'hui, il avait fait le choix de la protéger. Elle était soulagée, et l'idée même qu'il enlève des vies à certaines personnes de son espèce lui avait toujours semblé trop abstraites pour qu'elle ne s'en inquiète.
La différence avec aujourd'hui résidait dans le fait que, pour la première fois, elle l'avait vu à l'oeuvre. Il n'y avait aucun moyen de décrire ça, c'était aussi terrifiant qu'impressionant, mais ça n'était surement pas dégoutant...
Il était beau. Même en colère, es traits figés par un mélange hargneux de soif et de vengeance, James restait magnifique, royal, imposant. Il avait bu le sang de cet homme comme il aurait dansé une valse avec la femme la plus délicate du monde, et pourtant, Evana savait qu'il avait été très violent. Elle ne voyait que ce côté éternellement posé, calme, chez les vampires.
Elle se comprenait elle même parfaitement ; elle savait pourquoi elle était tombée sous son charme. Ca aurait pu être vrai avec n'importe quel vampire, mais c'était tombé sur lui, et aujourd'hui, elle avait l'intime conviction que rien ne serait jamais plus important à ses yeux que son amour pour James.
Elle était pourtant consciente des difficultés qu'ils rencontreraient si jamais son chef, Lewis, s'appercevait de leur liaison. Mais elle avait confiance en l'avenir et ne pouvait se résoudre à être négative.

James releva son menton dans un geste lent, avec précaution. Elle devait lui paraître tellement fragile, comparée à sa force...

« Tu n’as pas besoin d’être aussi forte pour moi, Evana. Je t’aime et je sais qu’une telle vision t’a choqué et t’a peut-être dégouté de moi… Mais je ne pouvais pas le laisser te faire du mal… »

Cette fois-ci, ce fut au tour du vampire de baisser les yeux. Evana soupira légèrement. Elle ne se sentant plus mal du tout, et le souvenir de l'homme était déjà lointain.

« Je ne suis pas dégoutée... Tu n'arriveras pas à me dégouter de toi. Merci pour ce que tu as fait... Il aurait pu faire n'importe quoi. »

Heureusement avait-il été là, que serait-elle devenue, sans lui, sinon ? Elle nota consciemment de ne plus sortir seule la nuit - elle aurait aussi pu tomber sur un vampire affamé. Et là, pas sûr que James aurait réussi à la protéger...

« Viens... Allons-nous en.»

Elle ne pouvait l'emmener chez elle, et lui ne pouvait pas l'emmener chez lui. Mais il trouvait bien un lieu où ils seraient seuls - et où elle aurait moins froid.